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N° 78 / N° 410 Reprise d’un article mis en ligne en 2014.
___Però a causa del tractat dels Pirineus , home !

samedi 27 janvier 2018.
Mais à cause du traité des Pyrénées, mec !

Comme chaque année pour la Saint Jean (24 juin), de nombreux chevaux et mulets provenant de différents élevages d’Espinabell (Province de Gérone, Espagne) franchissent la frontière française à 2319 mètres, au col Del Pal, à l’ombre du Costabone.

De novembre 1942 à août 1944, cette frontière a été fermée, contrôlée par des douaniers bavarois. Assistant à cette transhumance, qui permet aux animaux espagnols de pâturer en France sur le Pla de Camp magre, un randonneur interroge un habitant de Prats-de-Mollo chargé d‘enregistrer le passage et la qualité sanitaire des troupeaux : "Est-ce qu’en juin 43 et 44 la transhumance a pu avoir lieu ?"

Est-ce qu’en juin 43 et 44 la transhumance a pu avoir lieu ?

Un vieux paysan du Vallespir qui a entendu la conversation répond à la question qui ne lui est pas posée personnellement : « Bien sûr qu’elle a eu lieu la transhumance !  »

Le randonneur dubitatif s’étonne que, la frontière étant fermée, les troupeaux aient pu venir en France : « Comment cela a-t-il été possible ? »

Le vieux paysan, comprenant que l’incompréhension du randonneur vient de son inculture, lâche alors en catalan : « Però a causa del Tractat dels Pirineus, home ! » Puis redit en français : « Mais à cause du Traité des Pyrénées, mec !  »

Pour tous les familiers de la transhumance présents, le Traité des Pyrénées (1659) [1], qui entérinait des pratiques multiséculaires, avait une telle force de loi qu’il était impensable que même les Allemands d’Adolf Hitler se risquent à ne pas le respecter.

Cette anecdote s’est produite en 1979. Il est probable que les randonneurs de 2018 ne connaissent pas mieux l’importance du traité des Pyrénées que les marcheurs qui randonnaient 40 ans avant eux.

Ceux qui déclarent aujourd’hui que connaître l’histoire ne sert à rien, devraient réfléchir à l’importance essentielle qu’a la culture et le passé de leurs ancêtres pour la plupart terriens.

Les forces armées occidentales qui ont eu la prétention de s’affranchir des contingences historiques au nom de la modernité, ont souvent payé très cher le prix de leur mépris et de leur ignorance.

———

[1] Mais à cause du Traité des Pyrénées, homme ! Ce Traité fut signé le 7 novembre 1659 sur l’île des Faisans, au milieu du fleuve côtier Bidassoa qui marque la frontière entre les deux royaumes dans les Pyrénées-Atlantiques. Les rois Louis XIV de France et Philippe IV d’Espagne y sont représentés par leurs Premiers ministres respectifs, le cardinal Mazarin et don Luis de Haro.

Le célèbre article 42 prévoit que « les monts Pyrénées qui avaient anciennement divisé les Gaules des Espagnes seront aussi dorénavant la division des deux mêmes royaumes  ». Il est souvent dit que ce texte délimite avec précision l’espace territorial des deux puissances. Mais la formulation réelle du traité est très vague et ambivalente. Le texte indique : «  la crête des montagnes qui forment les versants des eaux  ». Le tracé de la frontière n’est par la suite pas matérialisé sur le terrain, et le texte ne supprime aucunement les droits de «  lies et passeries » qui permettent aux communautés paysannes de jouir de coutumes de pacage (pâturage pour le bétail) sur les terres du pays voisin, de l’autre côté de la frontière.



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