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N° 99 À l’heure où la haine a pignon sur rue
___Parlez nous d’amour, fût-ce de l’amour de la France !

mardi 26 juin 2018.

Les commentateurs politiques attribuent la flambée des votes populistes aux seules vagues migratoires venues récemment s’échouer sur les côtes Sud de l’Europe. Selon eux, ce n’est que par manque de compassion et de sens moral, que de nombreux électeurs refuseraient désormais leurs voix aux partis politiques traditionnels de gouvernement.

Or, la crise politique que vit actuellement l’Union européenne n’est pas liée à une seule cause, mais à deux causes indissociables :

- la crise humanitaire que vivent les migrants.

- la crise culturelle que vivent les populations des pays d’accueil.

Les responsables politiques et les directeurs de bonne conscience qui ont dispensé des leçons de morale et d’humanité en déclarant : «  on doit absolument accueillir les migrants  », ont oublié trop longtemps de préciser qui était ce « on  ».

Les électeurs populistes ne font pas partie de l’élite intellectuelle, mais ils ont acquis assez de jugeote et d’expérience pour savoir que lorsque les gens d’en haut disent «  on  », ils pensent « vous », les gens d’en bas.

Ce n’est pas le manque d’humanité des populations des pays d’accueil, vis-à-vis des migrants, qui a créée la crise politique actuelle, mais le souverain mépris qu’affichent nombre de responsables politiques et élites intellectuelles pour les cultures, les modes de vie et les codes sociaux des Européens de vieille souche.

L’instrumentalisation de l’antiracisme a perverti la pensée et les savoir-vivre. La criminalisation de toute critique de la culture, de la religion ou des codes sociaux, des immigrants, a considérablement réduit la liberté d’expression et la liberté d’analyse.

Un article qui traite de la confrontation des cultures et de la difficulté du « vivre ensemble » de façon bien documentée et non polémique mérite donc attention.

C’est pourquoi, nous vous invitons à lire le texte mis en ligne sur le site web du Figaro le 24 juin. À l’heure où la haine a pignon sur rue, il est réconfortant d’entendre parler d’amour, fût-ce de l’amour de la France.

REPORTAGE - Aide aux devoirs, alphabétisation, jeux dans la rue, insertion sociale, dîners d’ados... En s’installant, parfois en famille, dans les quartiers les plus pauvres, les membres de l’association Le Rocher tentent de développer chez leurs voisins le goût de l’effort et la responsabilisation.

Stéphane KOVACS Envoyée spéciale à Grenoble

Un impact de balle sur la porte vitrée, une poignée de dealers qui font le guet sous leurs casquettes siglées, une persistante odeur d’urine au bas de l’escalier. « Se soire ne sor pas (sic) », est-il inscrit sur le mur défraîchi. « Tant qu’ils ne nous interdisent pas de rentrer ! » rigole Stéphane du Pin de Saint-André. C’est dans cette barre de HLM du quartier Mistral, le plus pauvre de Grenoble - le plus violent aussi - que ce jeune père de famille s’est installé en août 2013.

Ouvrant dans cette cité sensible une antenne du Rocher, association catholique d’éducation populaire, qui envoie des volontaires en immersion dans les quartiers en difficulté. Aide aux devoirs, alphabétisation, jeux dans la rue, insertion sociale, dîners d’ados, camps pendant les vacances, l’idée est de mettre en place toutes sortes d’activités éducatives, sociales et culturelles qui développent le mérite, le goût de l’effort, la responsabilisation. Et surtout « l’amour de la France ».

Lancé en 2000 à Bondy, en Seine-Saint-Denis, le Rocher compte aujourd’hui huit antennes dans le pays, bientôt neuf. « L’objectif, c’est vivre avec pour faire ensemble, précise Arnaud de Carmantrand, directeur général de l’association. Face à cette fracture sociale, des couples et des jeunes, salariés, bénévoles ou en service civique, donnent un à trois ans de leur vie pour jeter des ponts entre ces deux mondes. Et c’est une vraie symétrie : tous sont bousculés après ces rencontres improbables ! »

L’association vit essentiellement de dons de particuliers, mais aussi d’entreprises, ainsi que de subventions publiques. À Grenoble, après une période de méfiance, « c’est une démarche que l’on regarde d’un œil plutôt bienveillant, confie Éric Piolle, le maire écologiste. Ce travail au cœur d’une cité marquée par l’emprise du trafic de drogue, ajouté à celui de la municipalité, de la police, de la justice, fait émerger une dynamique positive et crée des liens uniques ».

« Ça n’existe pas les gens comme vous dans nos quartiers »

« Tes filles, on dirait des petites Françaises ! C’est bizarre, ça n’existe pas les gens comme vous dans nos quartiers ! » Voilà comment Amaury Guillem, ancien salarié du Rocher, a été accueilli dans les quartiers Nord de Marseille. « C’est justement pour ça qu’on vient y habiter ! » a-t-il rétorqué à ses voisins, comme il le raconte dans son Carnet de bord d’une famille catho en cité HLM *.

« Quand on a toujours grandi dans des quartiers plutôt favorisés et fréquenté des établissements scolaires chics, on ne se sent pas tout de suite à l’aise, décrit-il. Les modes vestimentaires, les enseignes alimentaires, les façons qu’ont les gens de se parler, la diversité des langues utilisées dans la rue, tous ces éléments nous donnent parfois l’impression d’être partis à l’étranger. Mais les kebabs, les niqabs, les drapeaux d’Afrique du Nord, les costumes colorés des Comores, les salles de prière, les cortèges de mariage qui bloquent la circulation, tout cela aussi c’est la France. »

Mêmes impressions pour les Saint-André, à leur arrivée dans la cité Mistral, de tristes barres grisâtres coincées entre la voie ferrée et l’autoroute. « Après un an aux Mureaux, quatre ans à Bondy, un an à Marseille pour le Rocher, j’observe des problématiques communes, indique Stéphane. Une rupture de la confiance envers les institutions, un sentiment très fort de devoir se débrouiller seul, et un choc des cultures : ici, il y a encore des gens qui jettent leurs ordures par la fenêtre ! Mais question débrouille, ils sont champions. Du coup, ils développent des savoir-faire hors du commun. »

Des savoir-faire qui pourraient même intéresser des chefs d’entreprise, détaille le chef d’antenne, qui s’emploie à « développer un réseau pour tout ce qui est insertion » : « Un jour, se souvient-il, un patron m’a dit : “Je suis prêt à embaucher un dealer. Car ces gars-là, ils n’ont pas des horaires faciles, ils doivent être très bons en comptabilité, dans le domaine de la sécurité. Le seul problème, c’est que je ne pourrai jamais aligner le salaire qu’ils ont !” »

Le « dîner des parents »

Cela commence par du porte-à-porte, pour comprendre les difficultés de chacun. « Pour l’accompagnement à la scolarité, par exemple, qu’on fait à domicile, indique Stéphane, on va d’abord éteindre la télé, expliquer qu’il faut une table et une chaise, car beaucoup vivent à l’orientale, autour d’une table basse. » Un mardi par mois, des soirées pour ados sont organisées : « Un temps ludique et convivial, commente le trentenaire, qui permet de montrer aussi qu’il fait respecter des règles, les lieux, le matériel. »

Il y a aussi « le dîner des parents », où l’on se retrouve autour d’un thème, comme la régulation des naissances, l’éducation des enfants, ou encore « Dire merci, ça change la vie »… « Ça nous a permis de sortir de notre petite bulle, expliquent Lætitia, en reconversion, et Olivier, en invalidité, à la fois bénéficiaires et bénévoles du Rocher. Avant, avec mes voisins, ça s’arrêtait à “Bonjour” dans l’escalier. Aujourd’hui, c’est : “Tu viens jeudi à l’animation ?” ou “Je peux t’aider ?” »

Du haut de son huitième étage avec vue sur l’A480 et le camp de Roms en contrebas, Djamel « rêve de gagner 1 100 euros comme tout le monde ». Mais, pour l’instant, ce quadragénaire plein de bonne volonté n’a décroché que quelques heures par semaine comme agent de propreté à la SNCF : « + 40,64 euros », est-il écrit au bas de son relevé de compte daté du 6 juin. Alors ce petit homme chétif assure à ses quatre enfants qu’il mangera « plus tard », qu’il « fait le ramadan ». Mais « j’en peux plus ! », confie-t-il en aparté. À son épouse, Ferouz, il a rapporté quelques prospectus de supermarchés, parce que « c’est gratuit et ça lui change les idées ».

Pendant qu’elle prend des cours de français au Rocher, que ses enfants sont accompagnés pour leurs devoirs, lui « rembourse un peu cette dette » en repeignant des locaux de l’association. « Cela nous permet de lui délivrer une attestation de bénévolat, qui montrera à Pôle emploi qu’il n’est pas inactif, explique Stéphane, qui espère lui trouver rapidement un employeur. Dans cette cité, il y a plein de trucs qui ne vont pas bien, mais il y a aussi des papas et des mamans courage ! » De son côté, Djamel le raconte à tous ses voisins : au Rocher, il a « enfin connu des gens bien ». « Pour eux, on est tous pareils, y’a personne qui est mieux que l’autre !, clame-t-il. Liberté, égalité, fraternité, je l’ai vu grâce au Rocher ».

Faire aimer la France

Un grand drapeau tricolore trône au mur des locaux de l’association. Pas loin d’une petite croix et de quelques icônes. « Bien sûr que si, on est là pour convertir les gens !, s’exclame Stéphane. Pas à un dogme, mais à l’amour du prochain, à l’amour des Français. »« Certains nous disent d’emblée “J’en ai rien à foutre de la France !”, déplore le chef d’antenne. En général, ils participent peu à la vie citoyenne. Par exemple, le 14 Juillet, ça ne leur parle pas forcément… Et quand il y a un attentat, certains s’intéressent plus à l’auteur qu’aux victimes. » Comment leur faire aimer la France ? « Par exemple, en les emmenant visiter les châteaux de la Loire à vélo !, répond Stéphane. L’été dernier, nous avons commencé notre camp d’ados par le défilé à Paris, et terminé par les écoles de Saint-Cyr Coëtquidan. À ces jeunes qui s’identifient à des stars du foot, on fait aussi rencontrer des modèles citoyens, tous types de professionnels, dès lors qu’ils parlent de leur métier avec passion. »

Dans la cuisine de son F5 de 80 m2, Marine du Pin de Saint-André prépare le déjeuner de ses quatre enfants avec la vue sur les sacs-poubelle éventrés, les bouteilles vides et autres couches-culottes qui jonchent la pelouse, quelques heures après le passage des éboueurs. Pas de petits commerces à l’horizon - à part une pharmacie -, mais des locaux désaffectés, squattés par les dealers et infestés de rats. Dans l’appartement, ce sont les cafards qui posent problème. « À chaque fois qu’on revient de vacances, ils viennent tous chez nous !, s’étonne Rémi, 8 ans. Y en a des énormes ; on les attrape avec des pots de compote. »

Autre moment difficile, le coucher. « Le soir, il y a beaucoup de bruit, des motos qui démarrent, des quads qui roulent sur le trottoir, de la musique, énumère Côme, 6 ans. Donc on s’endort pas beaucoup. » Des moments de découragement, des envies de tout abandonner, bien sûr il y en a eu. « Notamment après ces nuits où l’on se levait trois ou quatre fois pour chasser les cafards des lits de nos enfants, rapporte Marine. Il y a aussi eu des moments où l’on a souffert de ne pas pouvoir vraiment aider nos voisins. »

Des amitiés « pour la vie »

Il y a quatre ans, une famille de la cité a littéralement été « prise en otage » par les trafiquants de drogue. « Un soir, j’ai ouvert la porte, et des types cagoulés m’ont mis le pistolet sur la tête, raconte le père, qui souhaite rester anonyme. Ils ont refait mes clefs et ont vidé une pièce de l’appart, pour y entreposer leur drogue. J’ai été à la police, qui m’a dit : “On veut bien prendre votre plainte, mais on ne peut pas garantir votre sécurité.” Du coup, j’ai pas porté plainte. » Depuis, une descente de police a permis de récupérer la chambre squattée, mais les dealers ont toujours les clefs et s’invitent de temps à autre, essayant déjà de corrompre l’aîné des garçons, 12 ans, avec des billets de 50 euros…

« Difficile de laisser tant de personnes fragiles auxquelles on s’est attachés, qui nous ont rendu au centuple… » Mais en juillet, les Saint-André passeront le relais à un autre jeune couple. « Après onze ans dans le social, j’ai envie de retourner dans le monde de l’entreprise, d’offrir un autre cadre de vie à mes enfants, indique Stéphane. Le “beau” nous manque quand même un peu… » Aux habitants attristés, il a expliqué qu’eux-mêmes devaient « devenir Le Rocher » et accueillir leurs successeurs. Que les amitiés qu’ils avaient forgées, c’était « pour la vie ». Le secret du Rocher, conclut Djamel, les yeux embués, c’est qu’« en fait ils nous donnent pas seulement de l’aide, mais aussi de l’amour ».

* Ceux du 11 e étage, Éditions du Cerf, 2014.

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COMMENTAIRES

[ Le 26 juin, 12 H15, B. R., Nice] :Ce ne sont pas les bons sentiments qui peuvent apporter seuls une réponse à la crise migratoire.

[ Le 26 juin, 20 H20, E. M., Montpellier] :

Super article. Que de courage et de sacerdoce !!



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